Ecoutez la plainte de la baleine perdue
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LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET LES PERTURBATIONS DE L’OCEAN : DEUX FACES D’UNE MEME MEDAILLE
Par Rémi Parmentier, secrétaire de l'initiative "Because the Ocean".
Six mois avant le sommet de la COP26 sur le changement climatique qui se tiendra à Glasgow, l'observation extraordinaire d'une baleine grise ce mois-ci en Méditerranée, est un rappel brutal du fait que le changement climatique entraîne des changements dans l’océan.
Les baleines grises vivent dans l'océan Pacifique. Elles y effectuent une longue route de migration annuelle entre la Basse-Californie, au Mexique, où les femelles donnent naissance à leurs baleineaux en hiver, et la mer de Béring, entre l'Alaska et la Russie, où elles trouvent leurs zones d'alimentation en été avant de retourner dans les eaux chaudes de la Basse-Californie. Cela représente un voyage aller-retour d'environ 12 000 miles le long des côtes du Mexique, des États-Unis, du Canada et de l'Alaska. Mais aussi long que soit ce voyage, ces géants ne s'aventurent normalement jamais dans l'Atlantique et encore moins dans la Méditerranée.
Selon les archives historiques, il existait autrefois une population de baleines grises de l'Atlantique, mais elle s'est éteinte au XVIIe ou au XVIIIe siècle à cause de la chasse, population perdue à jamais à cause de la négligence de l'homme. Nous pouvons donc affirmer que la jeune baleine grise qui erre ce mois-ci entre les côtes du Maroc, de l'Italie, de la France et de l'Espagne n'est pas originaire de cette mer et s'est égarée à cause du changement climatique.
Voici ce qui s'est passé : Poussée par la fonte du passage nord-ouest de l'Arctique et la diminution des réserves de nourriture dans la mer de Béring, l'audacieuse jeune baleine grise a nagé vers le nord et l'est et a pris un mauvais virage au sommet de l'océan Atlantique. C'est le deuxième cas documenté d'une baleine grise du Pacifique perdue en Méditerranée ; le premier a eu lieu il y a onze ans dans des circonstances similaires. La baleine grise de 2010 avait réussi à ressortir de la Méditerranée par le détroit de Gibraltar, mais les scientifiques avaient perdu sa trace par la suite. Il est peu probable qu'elle ait pu regagner l'Arctique et le Pacifique. Elle est vraisemblablement morte d'épuisement et de faim dans l'Atlantique, comme c'est le cas aujourd’hui pour la baleine grise perdue qui serait émaciée et désorientée selon les témoignages de biologistes qui l’observent.
Les baleines grises du Pacifique oriental ont été la première espèce à bénéficier d'un statut de protection internationale en 1947 et leur population s'est largement rétablie au point de devenir une attraction touristique emblématique au cours des décennies suivantes, mais elles sont aujourd'hui confrontées à de nouveaux défis démographiques dus à des contraintes environnementales externes, notamment le changement climatique.
Ces dernières années, les liens entre le climat et les changements océaniques ont fait l'objet d'une attention accrue. En 2016, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a suivi la proposition de la Principauté de Monaco de préparer un rapport spécial sur le changement climatique et l'océan. En conséquence, le rapport spécial du GIEC sur l'océan et la cryosphère (SROCC) a été lancé à Monaco en septembre 2019. La Fondation Prince Albert II de Monaco (FPA2) soutient également l'initiative « Because the Ocean » et la « Plateforme Océan et Climat », deux projets qui ont été lancés lors de la COP21 à Paris parallèlement à l'Accord de Paris sur le changement climatique. En décembre 2019, la COP25 présidée par le Chili et organisée à Madrid, en Espagne, a été dénommée " la COP bleue " car pour la première fois, le rôle de l'océan dans l'atténuation du changement climatique (90 % de l'excès de chaleur que nous produisons est absorbé par l'océan et la moitié de l'oxygène que nous respirons provient de l'océan) et les conséquences qui en découlent sur la vie marine (réchauffement, acidification et désoxygénation de l’océan, modification des schémas de migration des espèces, etc.) ont été abordés. Un dialogue sur l’océan et le climat, mandaté par la COP25, a eu lieu en décembre 2020, et la présidence britannique de la COP26 a déjà signalé son intention de renforcer le volet de travail sur l’océan dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, et de redonner du bleu à la Conférence des parties à Glasgow - notamment par la promotion de solutions fondées sur la nature et liées à l’océan.
Les deux baleines grises retrouvées perdues en Méditerranée sont les premiers signes de l'impact que le changement climatique aura sur la vie marine - si nous entendons parler du blanchiment des coraux et d'autres indicateurs précoces, il est certain que ces impacts ne sont que les premiers. Si nous ne tenons pas compte de ces avertissements, la vie marine sera perdue à cause du changement climatique.
Défenseur chevronné de l’océan, Rémi Parmentier, codirecteur du Groupe Varda, est le secrétaire de Because the Ocean, une initiative soutenue par la Fondation Prince Albert II de Monaco. Twitter : @RemiParmentier
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